Quart d'heure culture libre : Victor Hugo
Discours d’ouverture du Congrès littéraire international
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Bonjour,
Je vous propose ce texte que je viens de redécouvrir : Discours d’ouverture du Congrès littéraire international de Victor Hugo.
Le texte est très proche de certaines problématiques du logiciel libre et de la culture libre. Certains passages ont même tout fait leurs places dans nos débats actuels.
J'ai choisi quelques morceaux, libre à vous de lire le discours en entier.
Citation :
Messieurs, votre mission est haute. Vous êtes une sorte d’assemblée constituante de la littérature. Vous avez qualité, sinon pour voter des lois, du moins pour les dicter. Dites des choses justes, énoncez des idées vraies, et si, par impossible, vous n’êtes pas écoutés, eh bien, vous mettrez la législation dans son tort.
Vous allez faire une fondation, la propriété littéraire. Elle est dans le droit, vous allez l’introduire dans le code. Car, je l’affirme, il sera tenu compte de vos solutions et de vos conseils.
Vous allez faire comprendre aux législateurs qui voudraient réduire la littérature à n’être qu’un fait local, que la littérature est un fait universel. La littérature, c’est le gouvernement du genre humain par l’esprit humain, (Bravo !)
La propriété littéraire est d’utilité générale. Toutes les vieilles législations monarchiques ont nié et nient encore la propriété littéraire. Dans quel but ? Dans un but d’asservissement. L’écrivain propriétaire, c’est l’écrivain libre. Lui ôter la propriété, c’est lui ôter l’indépendance. On l’espère du moins. De là ce sophisme singulier, qui serait puéril s’il n’était perfide : la pensée appartient à tous, donc elle ne peut être propriété, donc la propriété littéraire n’existe pas. Confusion étrange, d’abord, de la faculté de penser, qui est générale, avec la pensée, qui est individuelle ; la pensée, c’est le moi ; ensuite, confusion de la pensée, chose abstraite, avec le livre, chose matérielle. La pensée de l’écrivain, en tant que pensée, échappe à toute main qui voudrait la saisir ; elle s’envole d’âme en âme ; elle a ce don et cette force, — virum volitare per ora[1] — ; mais le livre est distinct de la pensée ; comme livre, il est saisissable, tellement saisissable qu’il est quelquefois saisi. (On rit) Le livre, produit de l’imprimerie, appartient à l’industrie et détermine, sous toutes ses formes, un vaste mouvement commercial ; il se vend et s’achète ; il est une propriété, valeur créée et non acquise, richesse ajoutée par l’écrivain à la richesse nationale, et certes, à tous les points de vue, la plus incontestable des propriétés. Cette propriété inviolable, les gouvernements despotiques la violent ; ils confisquent le livre, espérant ainsi confisquer l’écrivain. De là le système des pensions royales. Prendre tout et rendre un peu. Spoliation et sujétion de l’écrivain. On le vole, puis on l’achète. Effort inutile, du reste. L’écrivain échappe. On le fait pauvre, il reste libre. (Applaudissements)
Vous allez faire une fondation, la propriété littéraire. Elle est dans le droit, vous allez l’introduire dans le code. Car, je l’affirme, il sera tenu compte de vos solutions et de vos conseils.
Vous allez faire comprendre aux législateurs qui voudraient réduire la littérature à n’être qu’un fait local, que la littérature est un fait universel. La littérature, c’est le gouvernement du genre humain par l’esprit humain, (Bravo !)
La propriété littéraire est d’utilité générale. Toutes les vieilles législations monarchiques ont nié et nient encore la propriété littéraire. Dans quel but ? Dans un but d’asservissement. L’écrivain propriétaire, c’est l’écrivain libre. Lui ôter la propriété, c’est lui ôter l’indépendance. On l’espère du moins. De là ce sophisme singulier, qui serait puéril s’il n’était perfide : la pensée appartient à tous, donc elle ne peut être propriété, donc la propriété littéraire n’existe pas. Confusion étrange, d’abord, de la faculté de penser, qui est générale, avec la pensée, qui est individuelle ; la pensée, c’est le moi ; ensuite, confusion de la pensée, chose abstraite, avec le livre, chose matérielle. La pensée de l’écrivain, en tant que pensée, échappe à toute main qui voudrait la saisir ; elle s’envole d’âme en âme ; elle a ce don et cette force, — virum volitare per ora[1] — ; mais le livre est distinct de la pensée ; comme livre, il est saisissable, tellement saisissable qu’il est quelquefois saisi. (On rit) Le livre, produit de l’imprimerie, appartient à l’industrie et détermine, sous toutes ses formes, un vaste mouvement commercial ; il se vend et s’achète ; il est une propriété, valeur créée et non acquise, richesse ajoutée par l’écrivain à la richesse nationale, et certes, à tous les points de vue, la plus incontestable des propriétés. Cette propriété inviolable, les gouvernements despotiques la violent ; ils confisquent le livre, espérant ainsi confisquer l’écrivain. De là le système des pensions royales. Prendre tout et rendre un peu. Spoliation et sujétion de l’écrivain. On le vole, puis on l’achète. Effort inutile, du reste. L’écrivain échappe. On le fait pauvre, il reste libre. (Applaudissements)
Le domaine public :
Citation :
Voilà où mène la confiscation de la propriété née du travail, soit que cette confiscation pèse sur le peuple, soit qu’elle pèse sur l’écrivain.
Messieurs, rentrons dans le principe : le respect de la propriété. Constatons la propriété littéraire, mais, en même temps, fondons le domaine public. Allons plus loin. Agrandissons-le. Que la loi donne à tous les éditeurs le droit de publier tous les livres après la mort des auteurs, à la seule condition de payer aux héritiers directs une redevance très faible, qui ne dépasse en aucun cas cinq ou dix pour cent du bénéfice net. Ce système très simple, qui concilie la propriété incontestable de l’écrivain avec le droit non moins incontestable du domaine public, a été indiqué ; dans la commission de 1836, par celui qui vous parle en ce moment ; et l’on peut trouver cette solution, avec tous ses développements, dans les procès-verbaux de la commission, publiés alors par le ministère de l’intérieur.
Messieurs, rentrons dans le principe : le respect de la propriété. Constatons la propriété littéraire, mais, en même temps, fondons le domaine public. Allons plus loin. Agrandissons-le. Que la loi donne à tous les éditeurs le droit de publier tous les livres après la mort des auteurs, à la seule condition de payer aux héritiers directs une redevance très faible, qui ne dépasse en aucun cas cinq ou dix pour cent du bénéfice net. Ce système très simple, qui concilie la propriété incontestable de l’écrivain avec le droit non moins incontestable du domaine public, a été indiqué ; dans la commission de 1836, par celui qui vous parle en ce moment ; et l’on peut trouver cette solution, avec tous ses développements, dans les procès-verbaux de la commission, publiés alors par le ministère de l’intérieur.
L'engagement :
Citation :
Le principe est double, ne l’oublions pas. Le livre, comme livre, appartient à l’auteur, mais comme pensée, il appartient — le mot n’est pas trop vaste — au genre humain. Toutes les intelligences y ont droit. Si l’un des deux droits, le droit de l’écrivain et le droit de l’esprit humain, devait être sacrifié, ce serait, certes, le droit de l’écrivain, car l’intérêt public est notre préoccupation unique, et tous, je le déclare, doivent passer avant nous. (Marques nombreuses d’approbation)
Mais, je viens de le dire, ce sacrifice n’est pas nécessaire.
Mais, je viens de le dire, ce sacrifice n’est pas nécessaire.
Peur et insécurité contre savoir et érudition
Citation :
Ah ! la lumière ! la lumière toujours ! la lumière partout ! Le besoin de tout c’est la lumière. La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. Qui que vous soyez qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser, mettez des livres partout ; enseignez, montrez, démontrez ; multipliez les écoles ; les écoles sont les points lumineux de la civilisation.
Vous avez soin de vos villes, vous voulez être en sûreté dans vos demeures, vous êtes préoccupés de ce péril, laisser la rue obscure ; songez à ce péril plus grand encore, laisser obscur l’esprit humain. Les intelligences sont des routes ouvertes ; elles ont des allants et venants, elles ont des visiteurs, bien ou mal intentionnés, elles peuvent avoir des passants funestes ; une mauvaise pensée est identique à un voleur de nuit, l’âme a des malfaiteurs ; faites le jour partout ; ne laissez pas dans l’intelligence humaine de ces coins ténébreux où peut se blottir la superstition, où peut se cacher l’erreur, où peut s’embusquer le mensonge. L’ignorance est un crépuscule ; le mal y rôde. Songez à l’éclairage des rues, soit ; mais songez aussi, songez surtout, à l’éclairage des esprits. (Applaudissements prolongés)
Ah ! la lumière ! la lumière toujours ! la lumière partout ! Le besoin de tout c’est la lumière. La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. Qui que vous soyez qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser, mettez des livres partout ; enseignez, montrez, démontrez ; multipliez les écoles ; les écoles sont les points lumineux de la civilisation.
Vous avez soin de vos villes, vous voulez être en sûreté dans vos demeures, vous êtes préoccupés de ce péril, laisser la rue obscure ; songez à ce péril plus grand encore, laisser obscur l’esprit humain. Les intelligences sont des routes ouvertes ; elles ont des allants et venants, elles ont des visiteurs, bien ou mal intentionnés, elles peuvent avoir des passants funestes ; une mauvaise pensée est identique à un voleur de nuit, l’âme a des malfaiteurs ; faites le jour partout ; ne laissez pas dans l’intelligence humaine de ces coins ténébreux où peut se blottir la superstition, où peut se cacher l’erreur, où peut s’embusquer le mensonge. L’ignorance est un crépuscule ; le mal y rôde. Songez à l’éclairage des rues, soit ; mais songez aussi, songez surtout, à l’éclairage des esprits. (Applaudissements prolongés)
Si ce n'est pas d'actualité...

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